METAMORPHOSEZ VOUS !

Prédication sur Mathieu 17, 1-9

PREDICATION Matthieu 17 v 1-9

PREDICATION

Culte du 05/03/2023 de la part de Cyrille RICARD , prédicateur

 

 

Matthieu 17 v 1-9

1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, frère de Jacques, et les conduit à l’écart sur une haute montagne. 
2Il fut transformé devant eux ; son visage se mit à briller comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. 
3Soudain Moïse et Élie leur apparurent et tous deux parlaient avec Jésus. 
4Pierre dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici. Si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » 
5Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse vint les couvrir, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je mets toute ma joie. Écoutez-le ! » 
6Quand les disciples entendirent cette voix, ils eurent tellement peur qu’ils se jetèrent face contre terre. 
7Jésus s’approcha, les toucha et dit : « Relevez-vous, n’ayez pas peur ! » 
8Ils levèrent alors les yeux et ne virent plus que Jésus, seul. 
9Tandis qu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit cette recommandation : « Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. »

 

METAMORPHOSEZ VOUS !

 

Chères frères et sœurs,

 Dans mes lointains souvenirs de catéchisme ou des premiers cultes auxquels j’assistais, je me posais souvent cette question : « mais pourquoi dans la bible on utilise des mots, a priori français, incompréhensible et jamais utilisés dans la vie de tout les jours ?… ». Des années plus tard, en sortant de mon premier rendez-vous chez un notaire, j’ai eu le même sentiment… c’était bien des mots français, (en tout cas ça en avait l’air !) mais ce n’était pas la langue qu’on utilise tous les jours. Enfin bref, laissons les notaires…

Transfiguration… Voilà un mot qu’on n’utilise pas vraiment tous les jours ! (je sais pas … Il n’y pas un notaire dans la salle ?… non ? même eux je pense ne l’utilisent pas !).

Quand la bible a été traduite du grec au latin, les traducteurs ont dû être effrayés dans ce passage par un mot un petit peu païen. Pour nous en rendre compte, je vous propose d’écouter le début de ce chapitre dans la traduction de Sœur Jeanne d’Arc :

1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère. Il les fait monter sur une haute montagne, à part.

2 Il est métamorphosé devant eux : sa face resplendit comme le soleil, ses vêtements deviennent blancs comme la lumière.

C’est donc bien de métamorphose dont il est question.  Pour nos enfants,  évoquer la métamorphose, et ils vont nous parler de l’univers d’Harry Potter ! Ou bien de loups garous dont la littérature pour ado est  si friande. Les auteurs classiques ne sont pas en reste: La fontaine, Grimm,  Lewis Caroll, Stevenson, Kafka… 

Mais nos traducteurs étaient confrontés à une autre littérature, voire même une culture encore très présente aujourd’hui: la mythologie grecque.

Les métamorphoses y étaient utilisées par une divinité comme artifice de séduction, comme moyen de punition, comme récompense des dieux, ou encore comme signe de clémence ou de réparation. Par exemple, Castor et Pollux,  jumeaux ayant souhaité ne jamais être séparés sont transformés en astres par Zeus.

Hors de question donc pour nos traducteurs d’associer Jésus à ces récits païens. Ils ont sortis de leur chapeau ce mot, transfiguration. 

Et pourtant, ce mot emprunt d’extraordinaire, métamorphose,  n’a-t-il pas toute sa place dans ce récit ? En y regardant de plus près, tout ce qui ce passe lors de la transfiguration de Jésus est extra ordinaire. A tel point que les disciples sont effrayés par ce qu’ils voient. Pire encore pour eux, ils finissent par admettre ce qui est alors en dehors de leurs « croyable » de l’époque.

Pour comprendre les disciples, il est important de rappeler ce qui précède ce texte, c’est la première annonce de la passion, où Jésus va annoncer qu’il va être crucifié, qu’il va souffrir et qu’il va être relevé d’entre les morts. Le perspective d’un Messie crucifié est tout simplement pas croyable, a tel point que Pierre va prendre Jésus à part (et à partie) et lui dit « Non Seigneur pas ça ».

Tout l’enjeu de cette métamorphose est donc de confirmer l’annonce de la passion, et d’aider les disciples à accepter que celui qui va être crucifié est bien le messie de Dieu. Et pour arriver à ses fins, le message est tellement important à faire passer, qu’on a l’impression que Dieu va mettre le paquet ! Un peu comme au poker, il va faire « all in », tapie ! :

Son visage se mit à briller comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.

– Moïse et Elie leur apparurent, qui s’entretenaient avec lui.

– Une nuée lumineuse les couvrit de son ombre

Et enfin Dieu se fait directement entendre:  » Celui-ci est mon Fils bien aimé; c’est en lui que j’ai pris plaisir, écoutez-le ! »

Au milieu de toute cette agitation, il y a Pierre qui a l’air de faire n’importe quoi! On ne le sent pas libre, comme empêtré dans ses certitudes. Il fait du zèle, il propose à Jésus de planter trois tentes, on est a priori le septième jour de la fête des tentes, le plus important. Il n’obtient pas de réponse, son projet de sédentariser les figures de Moïse, Elie et Jésus ne verra pas le jour. 

Après tout ce déluge d’effets spéciaux, le calme revient… Ils sont tout les quatre, seuls sur la montagne. Jésus réconforte ses disciples, ils lèvent les yeux vers lui et que voient-ils ? … Jésus. 

C’est à dire qu’on commence le récit il y a Jésus, il est métamorphosé, on a toutes les manifestations divines, et à l’arrivée on a… Jésus. On pourrait presque dire « tout ça pour ça ?! ». En effet, pas de magie ici. Jésus ne s’est pas métamorphosé en montre capable de siffler l’heure ! Il est resté lui-même. Et c’est plutôt rassurant. En fait, avec une approche symbolique des événements, tout ce qui s’est passé sur la montagne est fait pour rassurer les disciples, est fait pour nous rassurer:

 

1/ Le visage rayonnant et les vêtements blancs comme la lumière c’est l’idée que Jésus à ce moment là est totalement transparent à la présence de Dieu.

2/ Pour Moïse et Elie, c’est l’idée de la continuité entre les deux alliances. Moïse représente la loi, Elie les prophètes. Ce sont les deux principales parties du Premier Testament. C’est en quelque sorte « le changement dans la continuité ». On est loin du dégagisme ! Cela rassure les disciples dans l’immédiat. Mais aussi le lectorat Juif de Matthieu auquel cet évangile était destiné. Il n’est pas question de balayer le passé, mais de s’appuyer dessus pour l’avenir. Pour nous, cela signifie que nous sommes les héritiers de ces deux messages, celui de la paix du premier testament et celui de la grâce du second Testament.   

3/ Enfin la nuée et la voix qui dit « Celui-ci est mon Fils bien aimé; c’est en lui que j’ai pris plaisir, écoutez-le !  » c’est exactement la phrase entendue lors du baptême de Jésus (Mt 3.17), au moment où Jésus marque son humanité.  

La métamorphose s’est opérée sur Jésus certes, mais aussi sur les disciples. Une fois que tout est revenu à la normale, leur regard à changé sur Jésus. Ils le découvrent  inchangé physiquement, mais son statut n’est plus le même et ils l’acceptent. Cette intelligence à comprendre ce qu’est devenu Jésus et de voir les choses comme Dieu les voit fait écho à un texte de Paul dans l’épitre aux Romains chapitre 12: « Soyez transfigurés (donc métamorphosés) par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu« .

Chers amis, on peut dire que ce mot « transfiguration » a bien caché son jeu. Car après avoir découvert son origine grecque et sa portée pour Jésus et ses disciples, voilà qu’il nous dévoile une Bonne Nouvelle ! : Comme le dit Paul, nous sommes nous aussi appelés à être transfigurés, c’est à dire à être de plus en plus transparent à la présence, à la lumière de Dieu.

     

Comment répondre à une telle invitation, à une telle promesse ?

Alors Paul parle d’intelligence. Or vous savez qu’en anglais ce mot est ce qu’on appelle un « faux amis », c’est à dire que le mot existe dans nos deux langues mais avec une signification différente. Par exemple la C.I.A n’est pas une agence centrale avec pleins de gens intelligents dedans!… Mais une agence de renseignement. Cette nuance est intéressante car si on fait tomber le ‘R’ de renseignement, on obtient « Enseignement ».

Soyez  métamorphosés par le renouvellement de votre intelligence. 

Soyez  métamorphosés par le renouvellement de votre enseignement

Cet enseignement sans cesse renouvelé nous permet d’aller à l’encontre de nos certitudes. Chaque nouvelle plongée dans la bible, à chaque nouvel échange sur un texte, dans nos échanges œcuméniques, a chaque séance d’école biblique, de KT, par nos activités culturelles, associatives, etc., tout cela nous amène à accepter cette invitation, cette promesse: Voir plus loin que la croix, voir le Messie qui accepte la souffrance, voir Dieu en œuvre à travers lui.

Cette transfiguration à laquelle nous sommes appelés ne doit pas nous effrayer. On l’a dit tout à l’heure, il n’y a rien de magique dans tout ça. Bien au contraire. Tout est fait pour nous rassurer. Elle ne doit pas non plus être vue ou vécue de loin en restant comme ça comme ébloui par la lumière, bloqué dans une sorte d’expérience mystique. D’ailleurs la descente de la montagne marque en quelque sorte le retour à la vie quotidienne.

Les disciples ont changés leurs regards sur Jésus. C’est leur métamorphose. Nous avons nous aussi cette capacité à chaque fois que nous découvrons une nouvelle facette de la personnalité d’une personne, d’un ami ou de nos enfants.

Le poète Paul Eluard a écrit: « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses« . Oui il est possible que l’on oublie ce que ça fait d’avoir été un enfant, le passage de l’adolescence à l’âge adulte. On oublie peut être quand les premiers cheveux blancs sont apparus. Mais il est très probable que nous oublions d’avoir devant nous tous les filtres qui nous empêchent d’accéder à Dieu.

Alors chères frères et sœurs,

Métamorphosons-nous ! pour apporter à ce monde, souvent si sombre, une lumière qui nous rappelle et nous promet qu’une autre réalité est possible.

Laissons transparaître la présence de Dieu dans nos actes et dans notre vie quotidienne où il n’est jamais question de transfiguration, mais si souvent de métamorphoses.

AMEN

 

 

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