Jeudi Saint

Le jeûne eucharistique   

Épitre aux confinés pour le 9 et 10 avril 2020 (Jeudi et Vendredi Saint) 

 

Méditation :  Jeudi Saint en temps de pandémie 

 

« Le Jeudi saint est le jeudi précédant Pâques. Il commémore pour les chrétiens l’institution par Jésus-Christ du sacrement de l’Eucharistie, lors de la Cène qui est le dernier repas pris avec ses disciples avant son arrestation. » source Wikipedia 

 

Chers amis, 

 

Comment voulons-nous commémorer l’institution du repas du Seigneur, tout en étant privés de la Cène ?  

Je veux croire, que c’est justement la privation qui nous aidera à y réfléchir. 

Un peu comme les israélites au désert qui se retrouvent avec une certaine nostalgie pour les « marmites » qu’ils ont dû abandonner en quittant l’Égypte.  

Ironie de notre sort : les derniers rassemblements de notre communauté avant le confinement, tournaient justement autour de la question : « Quel est le sens d’une liturgie, et quelle est notre compréhension du rite du Repas du Seigneur? »

Vous vous souvenez : Il y a eu des invitations réciproques qui nous ont permis d’assister à des célébrations orthodoxe et catholique. De notre côté, nous avons accueilli des non-protestants au temple. 

Nous avons invité Frédéric Chavel (théologien luthérien) et Roselyne Dupont-Roc (théologienne catholique) pour nous éclairer sur un plan dogmatique et historique à ce sujet. Tous deux ont conclu à l’époque en disant : « Quant à la signification du repas du Seigneur pour nos deux églises, catholique et protestante, s’il y a peu de différences aujourd’hui sur le plan théologique, elles persistent sur le plan ecclésiologique, c’est à dire dans la façon dont nous célébrons la Cène dans nos églises. » 

Peu après, le malin Virus Covid 19 est arrivé, et chaque Église a dû adapter son fonctionnement. C’est en soi une illustration de ce que les deux orateurs voulaient dire : 

Au début de la pandémie, les chrétiens orthodoxes annonçaient que tout croyant pouvait communier à la même coupe puisque c’est le sang du Christ. Et, comme le Christ est pur et saint, le sang ne peut pas être contaminé. Je ne saurais vous dire si le discours a changé entre-temps. 

Dès le début de la pandémie, l’église catholique a suspendu la coupe commune. Même si le vin devient sang du Christ, c’est vrai pour la « substance » mais pas pour la « matière ». Le vin et la coupe peuvent bien transporter le virus. Aussi, le croyant peut jeûner sur le plan eucharistique, car elle n’est pas indispensable à son salut. Mais, comme ici à Marly-le-Roi par exemple, certains prêtres assurent les fidèles que le clergé continue tous les jours à célébrer une messe (avec eucharistie) en privé, par procuration pour la communauté des croyants. 

Et les protestants ?  

Les réformés se souviennent peut être des recommandations de Jean Calvin et d’autres : célébrer la Sainte Cène trois ou quatre fois par an devrait suffire largement. De toute façon, ce qui compte, c’est l’étude de la Bible et la prière. 

Mais pas de Sainte Cène un jeudi saint ou à Pâques ? Même si ce n’est pas une nécessité salutaire pour le croyant, cela commence à être difficile à vivre, même pour de nombreux protestants parmi nous. 

Alors, un autre débat est apparu, un débat de 2020, un débat pur et dur protestant, une réflexion que les théologiens d’autres siècles ne pouvaient pas mener, ni même imaginer : est il possible de faire une Sainte Cène à distance, une Sainte Cène numérique, un pasteur célébrant une liturgie de Ste Cène devant son écran et, à la maison, les croyants participant de leur côté, assis avec un bout de pain et un verre de rouge. De telles propositions circulent, et des premières expériences ont déjà été menées alors que le débat entre protestants est ouvert et enflammé : 

  • « N’importe quoi », disent les uns. « Le Saint Esprit ne passe pas par la WIFI. La communauté doit manger et boire le même pain et le même vin pour faire communion. » 
  • « Le Saint Esprit arrivait déjà à l’époque de la première Pentecôte par les portes fermées. Il souffle où il veut. Une communauté n’a pas besoin d’un lieu commun, » disent d’autres. 

Et d’autres voix, glanées ces dernières semaines : 

  • « De toute façon nous avons deux communautés différentes : Il y a ceux qui fréquentent nos temples, et ceux qui cherchent à vivre leur foi par d’autres moyens, par l’internet par exemple. Il faut aussi être là pour eux. C’est une communauté comme une autre. Eux aussi ont besoin des gestes. Pourquoi pas une Sainte Cène virtuelle ? » 
  • « Ah, aujourd’hui la Cène devant l’écran, et demain chacun peut baptiser son enfant chez soi sous le robinet ? Ah, non, laissons à l’Église ce qui est à l’Église! » 
  • « Il faut aussi admettre que nous vivons un temps exceptionnel. On ne peut pas tout remplacer. Acceptons le vide, le manque… vivons avec un désir de l’au-delà de ce temps. » 
  • « Pas de Saint Cène ? Et alors? Cela ne me manque absolument pas ! » 
  • …. 

>  Peut-être, qu’en lisant ces lignes, votre propre voix intérieure se fait entendre. Que dit elle ? J’avoue, que, pour moi, le débat et la problématique sont trop nouveaux pour avoir eu le temps d’asseoir ma propre position. Pour l’instant, je cherche à faire le point : 

Pour celles et ceux qui cherchent le christianisme autrement que par une participation au temple, il me semble évident qu’il faut réfléchir à des formes nouvelles. Voilà une question qui dépasse probablement nos capacités locales. C’est à suivre dans les années à venir. 

Concernant notre communauté au temple de Marly-le-Roi, j’ai tendance à dire que je préfère accepter le jeûne eucharistique imposé par les circonstances ; je préfère partager avec vous ce vide plutôt que de le remplacer par un geste numérique. 

Je pense à l’évangile proposé pour le soir du Jeudi Saint : 

 

Mt 26 , 20 Le soir venu, Jésus se mit à table avec les douze disciples. (…)  26Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé une prière de bénédiction, il le partagea et le donna à ses disciples ; il leur dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. » 27Il prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, 28car ceci est mon sang, le sang de l’alliance de Dieu qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés. 29 Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le règne de mon Père. »  30Ils chantèrent ensuite les psaumes de la fête, puis ils s’en allèrent au mont des Oliviers.

 

En 2020 ce verset que j’ai mis en gras fait écho en moi : « je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le règne de mon Père. »

 

Il y a un temps pour manger et boire ensemble et il y a un temps pour attendre la prochaine rencontre. 

Quand je pense aujourd’hui au 1er mars de cette année : nous étions environs 120 personnes ce jour là au temple pour partager la Sainte Cène. C’était la dernière fois pour x temps ; c’était notre « last supper »  (« dernier repas », mot anglais pour designer la Sainte Cène ») et, quand j’y pense, je sens à quel point je suis encore nourrie de cette rencontre aujourd’hui. En y pensant, je sens la communion avec celles et ceux qui étaient là, protestants et catholiques. 

Ce jour-là, nous avons essayé avec des paroles bien pesées d’expliquer ce qu’est « un mémorial », un geste de souvenir qui est plus qu’un simple souvenir, mais un souvenir collectif qui transporte un vécu à travers le temps. Nous avons cherché à mettre des mots là dessus, et, en vérité, ce que je vois aujourd’hui, c’est que nous l’avons fait : nous avons vécu nous-mêmes un « mémorial ». nous avons partagé le pain ce dimanche 1er mars comme Elie sous le genêt lorsque l’ange lui dit : « Lève-toi et mange, car le chemin sera long. » (I Rois 19, 7).  

Oui, nous avons encore du chemin à faire, mais, nos chemins vont se croiser de nouveau, et nous allons manger et boire le jour venu. 

Et plus tard encore, à la fin des jours, nos chemins se croiseront au Royaume de Dieu pour boire et manger avec Jésus et tant d’autres… et la coupe débordera (Psaume 23). 

En attendant nous vivons par la manne qui tombe tous les jours du ciel: un coup de fil par ci, un whats ap par là, un émerveillement devant la nature, une prière qui monte du fond de notre cœur , etc. Et cela nous suffira. 

Pour ce Jeudi Saint en confinement : 

Que Dieu vous bénisse et vous garde et qu’il vous nourrisse tous les jours de sa présence.  Amen 

 

Annonces

Idée de culte à Pâques , dimanche 12 avril: 

– Radio RCF www.rcf.fr 

  • 9h00, un message de la pasteure  Emmanuelle Seyboldt qui sera aussi partagé auprès de chaque Eglise locale.
  • 18h00, un culte célébré par les pasteurs Emmanuelle et Andreas Seyboldt.
– Télévision France 2 : 
  • 10 à 11 heures  Culte en direct, en Eurovision. Célébré au sein de la paroisse protestante du Coude du Rhône, à Martigny, dans le Valais (Suisse). La célébration est dirigée par les pasteurs Pierre Boismorand, Hélène Küng et Agnès Thuégaz. Musique et direction du choeur : Léonard Muller.

Prière chantée : 

Le 9 avril 1945, il y a 75 ans, le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer est mort (exécuté) au camp de concentration de Flossenbürg, en Bavière. 

https://www.museeprotestant.org/notice/dietrich-bonhoeffer-1906-1945/

 

Privé de tant de choses dans sa cellule de prisonnier, c’est ici qu’il a formulé ses textes les plus profonds et les plus existentiels. 

Comme ce poème qui est devenu un cantique, et qui fait lien entre le Jeudi soir et le Vendredi Saint. C’est dire le plaisir de vivre, face à la mort, dans la confiance d’une vie au delà de la souffrance et la mort.  C’est Pascale Pfender Senault qui accompagne à l’orgue. 

 

cliquez ici

 

47-23. Sur nous, merveille !

1. Sur nous, merveille ! des puissances veillent,
Sans peur nous avançons vers l’avenir ;
Dieu, près de nous, de l’aube au soir demeure,
Fidèle, chaque jour qui doit venir. 

 

2. Le lourd passé encore nous tourmente ;
Nos cœurs en sont restés tout accablés.
Que ton salut s’empare de nos âmes,
Seigneur, puisque tu nous l’as préparé. 

 

3. La coupe amère, si tu la présentes,
Et tu proposes le calice plein,
Nous l’acceptons sans crainte, rendant grâce,
O Dieu, de ta si bonne et tendre main. 

 

4. Si tu nous donnes ton soleil encore,
La joie des hommes dans ce monde-ci,
Nous en gardons entière la mémoire
Afin de te remettre notre vie. 

 

5. Quand nous oppresse le trop grand silence,
Fais-nous entendre au fond du firmament
L’accord puissant du monde de louange
Où chantent, invisibles, tes enfants.

 

 

Deutsch

 

1. Von guten Mächten wunderbar geborgen,
erwarten wir getrost, was kommen mag.
Gott ist bei uns am Abend und am Morgen
und ganz gewiss an jedem neuen Tag.

 

2. Noch will das alte unsre Herzen quälen,
noch drückt uns böser Tage schwere Last.
Ach Herr, gib unsern aufgeschreckten Seelen
das Heil, für das du uns geschaffen hast.

 

3. Und reichst du uns den schweren Kelch, 

den bittern des Leids, gefüllt bis an den höchsten Rand,
so nehmen wir ihn dankbar ohne Zittern
aus deiner guten und geliebten Hand.

 

4. Doch willst du uns noch einmal Freude schenken an dieser Welt und ihrer Sonne Glanz, dann wolln wir des Vergangenen gedenken, und dann gehört dir unser Leben ganz.

 

5. Wenn sich die Stille nun tief um uns breitet,
so lass uns hören jenen vollen Klang
der Welt, die unsichtbar sich um uns weitet,
all deiner Kinder hohen Lobgesang.

 

 

 

 

 

 

 

Christina WEINHOLD 

Contact