Prédication du 19 octobre « L’eunuque éthiopien »

par Jean-Marie de Bourqueney

« L’eunuque éthiopien, ou l’art de l’accueil et de la transformation » 

Actes 8, 26-40 ; 19 octobre 2025

Il n’y a pas une manière de croire mais de multiples// parcours // vies // cultures convictions. L’histoire de l’eunuque éthiopien est en même temps singulière, originale et symbolique de nos parcours.

Originale : étrange étranger ; double étranger (pays et identité sexuelle (+ esclave sans doute, bien que personnage important)) et c’est pourtant lui qui se retrouve devant la scène spirituelle. C’est lui qui est accueilli sans conditions. Accueil des différences, des minorités. La première communauté chretienne se présente donc comme un nouveau modèle de fraternité, qui ne pose pas de condition, ne demande ni carte d’identité, ni visa, mais qui défend que celui qui veut être notre frère devient notre frère ; voilà tout. Cette dimension, révolutionnaire à l’époque, le demeure aujourd’hui. Qui sommes-nous prêts à accueillir ? Et qui refusons-nous… L’eunuque éthiopien est sans doute le symbole même des mal-aimés de toute notre histoire chrétienne. Ce texte est une exhortation pour chacun de nous à ne plus juger et à préférer toujours l’accueil

 

L’eunuque éthiopien est aussi le symbole de la modernité religieuse. Le texte précise qu’il était à Jérusalem pour le pèlerinage. On oublie souvent, mais à l’époque, le judaïsme ne se limitait pas un peuple, mais c’était une religion ouverte à ceux qu’on appelait les prosélytes, c’est-à-dire les convertis par conviction à cette religion. Il faisait partie donc de ces prosélytes, de ceux qui ont trouvé un sens à leur vie au travers de la réflexion spirituelle. Mais en même temps le texte précisé qu’il était seul, et sans enseignement. Il repartait chez lui, comme il était venu, seul. Mais en lisant le prophète Esaïe. Ce qui montre d’ailleurs sa haute éducation puisqu’il a un rouleau, très cher et rare et qu’il sait lire. Il faisait partie donc cette majorité religieuse qui vient par curiosité et se forge sa propre religion, comme dans un supermarché où l’on trouve des réponses à chaque rayon, avec parfois des soldes et des promos… mais encore de ces personnes qui viennent au temple par curiosité et parfois repartent seules chez elles. D’où la nécessité de l’accueil…

 

L’esprit va appeler Philippe à cet accueil puisqu’il va faire la démarche d’aller le voir. Là encore c’est une forme de grande modernité/ Si tu ne viens pas à l’évangile c’est l’évangile qui ira à toi… Nous sommes tour à tour celui qui vient par curiosité et celui qui témoigne et « fait le premier pas vers l’autre ». Autrement dit, la religion est souvent une recherche, une intuition, un questionnement, mais les réponses se trouvent dans le dialogue des convictions, dans la rencontre interpersonnelle, pas uniquement dans les livres, même si ces livres forment la Bible… Il n’y a pas de religion « verticale », « Dieu et moi » mais une religion triangulaire, où Dieu passe par toi, passe par moi, où la Parole de Dieu passe par nos mots humains, faillibles, fragiles…

 

Dans le dialogue qui s’initie entre les deux hommes, l’éthiopien reconnait qu’il lit mais ne comprend rien ? comme si les mots le berçaient mais sans donner de sens. Importances des mots : cœur du christianisme ! Il n’y pas de christianisme sans théologie c’est-à-dire sans élaboration, personnelle, d’un témoignage de foi. Or, ce discours s’élabore précisément dans le dialogue, dans la transmission, l’enseignement, mais aussi la confrontation d’idées différentes et non pas un « par cœur ». le Xien n’est pas un perroquet… L’éthiopien, avec l’enseignement de Philippe, va comprendre, c’est-à-dire découvrir que le texte a un sens, pour lui personnellement et pour le monde. Le texte se met à parler ; le texte devient parole, La Parole.

 

Cette conviction naissante va pousser l’éthiopien à demander le baptême. C’est-à-dire au-delà de la conviction, il découvre une fraternité, une famille qui va l’accueillir et lui permettre d’apprendre, de témoigner et d’enseigner sans doute à son tour. Le disciple devient apôtre. C’est cela le sens du baptême adulte.

 

Mais ce baptême en pleine nature ne se passe pas comme les autres… Lorsque l’homme ressort de l’eau, Philippe a disparu. Revoilà notre homme, seul, comme au début. Mais ce n’est plus le même homme. Désormais, même s’il ne vit pas en communauté de vie avec Philippe il est son frère. Cette fraternité est celle qui nous unit profondément, au-delà des kilomètres et de modes de vie. Ila va repartir chez lui, sans doute continuer à exercer son métier d’intendant de la reine, mais il sera un témoin, placé là, que la vie n’est pas faite uniquement de répétitions et de destins programmés. Il peut y avoir des bouleversements, des transformations profondes qui opèrent en nous. La foi est cette transformation, vs image de conformisme des religions, en particulier de notre christianisme. Notre christianisme est une transformation, une modernité toujours à réinventer, pas la gestion d’une antique tradition !

 

Enfin, s’il se retrouve seul c’est que, comme nous, il doit s’émanciper de son maître. Il n’est pas que disciple mais apôtre. En faisant symboliquement disparaitre Philipe de la scène du bpt. , l’auteur de ce texte nous ouvre la voie d’une forme de liberté personnelle. Désormais c’est toi qui formuleras ta foi, c’est toi qui témoigneras de ta foi. Le génie du christianisme est précisément d’allier la profonde fraternité universelle qui nous unit, mais en nous rendant individuellement capable des mots.

Jean-Marie de Bourqueney

 

Actes 8, 26-40 

 

26Un ange du Seigneur dit à Philippe : « Lève-toi et pars en direction du sud, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza. Cette route est déserte. » 27Philippe partit aussitôt. Sur son chemin, il rencontra un eunuque éthiopien, un haut fonctionnaire chargé d’administrer les trésors de Candace, la reine d’Éthiopie ; il était venu à Jérusalem pour se prosterner devant Dieu 28et il retournait chez lui. Assis sur son char, il lisait le livre du prophète Ésaïe. 29L’Esprit saint dit à Philippe : « Va rejoindre ce char. » 30Philippe s’en approcha en courant et entendit l’Éthiopien qui lisait le livre du prophète Ésaïe. Il lui demanda : « Comprends-tu ce que tu lis ? » 31L’homme répondit : « Comment pourrais-je comprendre, si personne ne me guide ? » Et il invita Philippe à monter sur le char pour s’asseoir à côté de lui. 32Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci :

« Il a été comme un mouton qu’on mène à l’abattoir,

comme un agneau qui reste muet devant celui qui le tond.

Il n’a pas ouvert la bouche.

33Il a été humilié et son droit a été bafoué.

Qui parlera de ses descendants ?

Car on a mis fin à sa vie sur la terre. »

34Le fonctionnaire demanda à Philippe : « Je t’en prie, dis-moi de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de lui-même ou de quelqu’un d’autre ? » 35Philippe prit la parole et, en commençant par ce passage de l’Écriture, il lui annonça la bonne nouvelle de Jésus. 36Ils continuèrent leur chemin et arrivèrent à un endroit où il y avait de l’eau. Le fonctionnaire dit alors : « Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » [3738Il fit arrêter le char. Philippe descendit avec lui dans l’eau et il le baptisa. 39Quand ils furent sortis de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe. Le fonctionnaire ne le vit plus, mais il continua son chemin tout joyeux. 40Philippe se retrouva à Azot, puis il passa de ville en ville, en annonçant partout la bonne nouvelle, jusqu’à ce qu’il arrive à Césarée.

 

 

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