Prédication du 1er juin

par Philippe Westercamp

Thème :

Jean 17, v11 à 26

17.11

Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous.

17.12

Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J’ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie.

17.13

Et maintenant je vais à toi, et je dis ces choses dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie parfaite.

17.14

Je leur ai donné ta parole ; et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

17.15

Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal.

17.16

Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

17.17

Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité.

17.18

Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde.

17.19

Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité.

17.20

Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole,

17.21

afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.

17.22

Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, –

17.23

moi en eux, et toi en moi, -afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.

17.24

Père, je veux que là où je suis ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi, afin qu’ils voient ma gloire, la gloire que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.

17.25

Père juste, le monde ne t’a point connu ; mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m’as envoyé.

17.26

Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que je sois en eux.

 

Prédication

La prière de Jésus 

Ce chapitre 17 de l’Evangile de Jean est le seul moment où l’on a connaissance de ce que Jésus échangeait avec son Père, ou tout au moins ce que l’évangéliste nous en a transmis ! Bien sûr, on sait que Jésus priait souvent et qu’il se mettait à l’écart pour prier, mais les évangiles ne nous donnent pas le contenu de ses prières. On sait que ses prières pouvaient être longues au point que les disciples à Gethsémané n’ont pas pu rester éveillés une heure avec lui. Par contre, il s’est soucié de donner des consignes pour prier : …quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret te le rendra (Mat 6 v6). Ce verset est aussi la raison pour laquelle la prière en commun à haute voix n’est pas très répandue dans les Eglises historiques, alors qu’elle est dans la nature même de la prière chez les Evangéliques ! Et puis surtout il a aussi donné un modèle à ses disciples avec le « Notre Père … », qui reste pour nous aujourd’hui la référence qui nous permet de faire communauté, tous chrétiens confondus, d’être « un » pendant un petit temps…

Cette prière de Jésus transmise par cet Evangile de Jean est d’une intimité totale avec son Père, car, pour moi – c’est une hypothèse qui me convient – le rédacteur en est précisément ce « disciple que Jésus aimait » que l’on voit surgir plusieurs fois dans ce 4ème évangile. Non pas l’un des 12, mais quelqu’un de plus proche de Jésus, un confident, quelqu’un à qui Jésus a raconté sa rencontre avec Nicodème ou avec la samaritaine, quelqu’un qui est à même de nous montrer un Jésus, Parole de Dieu et lumière du monde, comme il est dit dans le prologue de l’Evangile.

Dans les premiers versets que nous avons lus, versets 11 à 19, Jésus prie pour ses disciples qui eux restent dans le monde alors que Jésus va quitter ce monde. Mais quel monde ?

Le monde de Jean

Dans le nouveau testament et chez Jean en particulier, on peut distinguer plusieurs notions de monde : tout d’abord il est impossible de rentrer dans son évangile sans citer ce verset si connu, chapitre 3, verset 16 : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. » Là il est question du monde dans son ensemble, c’est-à-dire comme il a été créé avec les cieux et la terre, avec tout ce que le Créateur y a mis le règne végétal, le règne animal et l’Humain, homme et femme.

Mais parce que l’homme a voulu se passer de Dieu et que son orgueil lui a fait croire qu’il était lui le centre du monde, le mot a pris un sens péjoratif : monde désigne alors fréquemment dans les textes l’humanité en rébellion contre Dieu. L’Esprit du monde est en opposition avec l’Esprit de Dieu et c’est le diable qui est le prince de ce monde.

Le monde de Jean à la fin du 1er siècle, c’est un monde où s’affrontent les pharisiens qui sont les juifs religieux restés seuls au pouvoir, après la destruction du Temple et les communautés naissantes de chrétiens. C’est dans ce contexte que Jean déclare que les chrétiens sont bien « dans le monde » mais ne sont pas « du monde ». Ils ne sont plus sous la coupe du prince de ce monde.

 

J’en arrive maintenant au verset 20: « Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole.

 

Il est clair que ce verset nous concerne particulièrement, nous qui avons cru en Lui grâce à ceux qui ont suivi depuis 2000 ans… Et nous, nous sommes dans quel monde ?

Notre monde à nous

Notre monde à nous, c’est d’abord le monde des média, un monde qui envahit notre quotidien. Impossible d’échapper aux informations et aux tensions sociales qui nous entourent : la violence qui s’installe au quotidien, que ce soit vis-à-vis des migrants, des femmes, des enfants, la violence des propos tenus sur les réseaux sociaux, la violence des jeunes entre eux, la violence vis-à-vis des représentants de l’ordre, des pompiers, des enseignants et j’en passe… Je pourrai aussi évoquer l’argent-roi, les abus de pouvoir, le règne de la consommation et du matérialisme qui conduisent à la sécularisation

Notre monde ne s’arrête pas aux problèmes de la France d’aujourd’hui, car nous sommes aussi submergés par les nouvelles de l’International : les guerres qui n’en finissent pas, Ukraine, Gaza, Soudan, Inde et Pakistan et encore ailleurs, le monde occidental qui se fracture avec l’arrivée du président Trump, ses valeurs dont les droits humains qui sont remis en cause, un autre monde qui se met en place où il n’y a plus de différence entre vérité et fake-news… Pas utile de continuer.

Alors nous qui sommes censés ne pas être du monde que pouvons-nous faire ?

 

Unité

A la suite du verset 20, destiné à nous qui avons cru par la Parole de nos prédécesseurs, il est dit : « …afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » Donc pour que le monde croie, il est nécessaire d’être UN, frères et sœurs réunis… L’unité, d’abord !

 

Réunis avec Jésus, se savoir accompagné par Jésus, qui continue à prier pour nous, et notre propre prière peut nous aider aussi à être UN. Prier comme les disciples entre l’Ascension et la Pentecôte, prier avec assiduité, prier avec suffisamment de foi et de confiance au Seigneur. Prier comme Jésus dans ce chapitre 17, juste avant le récit de sa mort ; Jésus demande à son Père : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal ». Le Mal, avec un M majuscule, est là et il faut faire avec ! Dieu a créé un monde autonome et libre, puis il s’est retiré ; Jésus a accompli sa mission dans le monde, puis il s’est retiré, afin que l’homme prenne ses responsabilités dans ce qui s’y passe aujourd’hui. Mais il ne nous a pas laissés seuls : il nous a envoyé son Esprit. On en reparlera surement dimanche prochain.

Et l’Ecriture nous invite à poser notre confiance en Dieu… malgré le mal. La mise à l’épreuve de notre foi conduit à l’endurance, à la patience, puis à l’espérance, nous est-il dit dans différentes épitres (de Paul aux Romains Rm 5.3-4, de Jacques Jc 1.2-3 et de Pierre I P 1.6). Espérer en un monde meilleur, c’est travailler pour qu’il advienne ! « Réparer le monde » était le titre d’un colloque entre chrétiens et juifs l’année dernière et je retiens la 1ère étape suggérée par le grand rabbin de France Haïm Korsia : « Réparer le monde, c’est d’abord faire la réparation de soi, il sera temps ensuite d’élargir à la famille, puis au voisinage, etc… ».

Être un, c’est aussi être réunis entre nous à Marly dans cette paroisse en une vraie famille de frères et de sœurs qui se soucient les uns des autres et présente au monde extérieur ce visage de liens rapprochés, solides et vrais. « Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples. » dit Jésus en Jean 13v35, après leur avoir donné ce commandement nouveau « Que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimé. »

Etre un, c’est aussi être réunis avec nos frères catholiques : depuis de nombreuses années à Marly, nous faisons beaucoup de choses ensemble : célébrations à diverses occasions, lecture priante œcuménique, Eglise verte, groupe local de l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, œcuménique dès l’origine avec ses 3 vice-présidents, orthodoxe, catholique et protestant.

Etre un, ce n’est pas seulement l’union des chrétiens entre eux, nous rappelle Antoine Nouis dans le Réforme de cette semaine, c’est d’abord l’union de chacun avec le Père et le Fils. Je cite : « C’est cette union-là qui fonde le rapprochement entre chrétiens, selon l’image des rayons de la roue et du moyeu. C’est en se rapprochant du centre que les rayons se rapprochent les uns des autres. L’unité chrétienne passe par notre proximité avec le Christ. »  Fin de citation. C’est là qu’on retrouve la pensée du rabbin Korsia : commencer par se réparer soi-même.

Dans cette même réunion que j’évoquais tout à l’heure, l’évêque de Versailles, Mgr Crépy disait que, pour lui, « réparer le monde », c’était la recherche de la fraternité entre tous, ceci dans la plus grande humilité, l’humilité étant de l’ordre du service : là, c’était la diaconie, l’entraide, comme indiqué en Mat 25 : « Ce que vous avez fait à l’un des plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Il y a une autre raison d’espérer : ce qui ne peut être fait seul des groupes, des associations peuvent le faire pour réparer le monde ;  le réseau d’associations est particulièrement dense : la fédération de l’Eglise protestante, la FEP, qui regroupe tous les services d’entraide de nos paroisses, et toutes les autres associations d’origine chrétienne qui travaillent au service des plus pauvres, en particulier le Casp (Centre d’action sociale protestant), l’Armée du salut, le Sel,  l’ACAT au service des torturés et qui lutte contre la peine de mort, l’Apatzi, qui défend les gens du voyage, la Cimade, et j’en passe. Et puis il y a toutes les autres, d’origine chrétienne ou non, le CCDF Terre solidaire, la Mie de pain, la Chaine de l’espoir, Médecin du Monde, ATD quart monde, l’Appel, les Restau du cœur, pour n’en citer que quelques-uns. Chacune de ces organisations fait ce qui est en son pouvoir pour « réparer le monde ». Chacune fait sa part, comme le Colibri qui prenait quelques gouttes d’eau et les jetait sur l’incendie de la forêt, sous les sarcasmes du tatou qui, lui, ne faisait rien.

Cela se résume par « engagez-vous ! », vous avez le choix de là où il vous appartient de « faire votre part ».

Résister au Mal, ne pas accepter les souffrances qui nous entourent : c’est ce que nous avons à faire, chacun comme il le peut, dans l’espérance d’un monde nouveau.

Etre une « Eglise de témoins » comme nous demande aujourd’hui notre Eglise protestante Unie : témoignage par ce que nous faisons certes, mais nous chrétiens ne faisons souvent pas plus que les non chrétiens. Alors je crois que ce qui compte, c’est surtout le témoignage par ce que nous sommes, par ce que les autres perçoivent grâce à la qualité de la relation que nous essayons d’avoir avec chacune des personnes que nous rencontrons sur notre chemin.

Et là nous ne sommes pas seuls : le Seigneur lui-même nous le dit dans sa prière à son Père au verset 17 : « Consacre-les par la vérité ; c’est ta parole qui est la vérité. » Nous ne sommes pas orphelins ! Nous avons la Parole, vérité à laquelle il nous est proposé de nous en remettre et en laquelle nous avons toute liberté, espérance, paix, joie et sagesse. Elle nous permet de mieux discerner ce que nous avons à faire sur les grands sujets d’actualité : l’accueil des migrants, la fin de vie, l’environnement, l’accueil des personnes exclues de notre société. Que nos bulletins de vote (il nous est promis un ou plusieurs référendums pour bientôt) soient en phase avec ce que nous lisons et comprenons dans la Parole ! Que l’Esprit du Seigneur nous soit en aide pour nous permettre de discerner la volonté du Père !

Non, nous ne sommes pas orphelins, car Jésus a pris soin aussi de nous faire connaître le nom de son Dieu. Verset 23 : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que je sois en eux. » Lui-même ayant été reconnu par Dieu comme Fils à plusieurs reprises dans les évangiles et donc considérant Dieu comme son Père, nous a recommandé à nous aussi de le considérer comme Père lorsque les disciples lui ont demandé de leur apprendre à prier. Et ce nom de Père nous relie les uns aux autres par le lien de l’amour : l’Esprit nous le confirmera surement dimanche prochain ! Il nous soufflera peut-être qu’on peut aussi l’appeler Mère, comme notre pasteur nous le proposait dimanche dernier !

 

Finalement le vrai ciment de l’unité, l’arme suprême, n’est pas autre chose que l’amour, comme il nous est dit dans la 1ère épitre de Jean : « Personne n’a jamais vu Dieu.  Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est accompli en nous. (v12) ». Et pour revenir au monde, 1er sujet de notre réflexion, c’est encore Jean qui nous donne le mot de la fin dans la suite de sa 1ère lettre, au chapitre 5, verset 4 et je vous laisse avec ses mots « … la victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi.»

 

Amen

 

Cantique 46/02, str ; 1, 2, 3 : Seigneur, accorde-moi d’aimer

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