Thème : L’attente
Ésaïe 51, 1-6 ; Cantique des cantiques 3, 1-4
L’attente
Ah, la nostalgie ! Celle de l’attente de l’enfant (que nous avons tous été !) entre frustration et délice rétrospectif ; aujourd’hui délice du regard d’un enfant qui attend et finit par découvrir son cadeau. Oui mais aussi attente de sortir d’une souffrance physique, même si on sait que ça va arriver. Attente de la fin de la guerre, ou de l’obtention d’un visa pour venir en France ; attente d’un courrier important, mais encore attente d’un rendez-vous amoureux, d’une retrouvaille familiale. Bref, attente du bonheur… Notre vie est faite d’attente… Cela va à l’encontre de notre société qui ne prêche qu’un dogme : l’immédiateté : tout savoir, tout vouloir, tout de suite ! On veut tout, tout de suite. La vie politique d’aujourd’hui a fait aussi de nous des impatients. Quel que soit le choix des Français, ils sont déçus au bout d’un an, ou à peine plus. Tout, tout de suite. Même nos supermarchés s’engagent à nous livrer en moins d’une heure…. Tout va vite : je désire, je paie, j’ai ! Folie du monde ? Cela s’insinue jusque dans nos communications… Si l’on reçoit un message, (vocal, SMS ou mail), il faut y répondre au plus vite ; sinon, on vous le reproche… Tout, tout de suite. Il y a quelques années un grand journal national titrait : « l’avenir, c’est de communiquer sans se parler ! » Magnifique programme ! Imaginez un instant Jésus qui communique sans parler, qui rencontre sans regarder, qui guérit sans toucher, ou bien qui répond, au milieu des béatitudes à un SMS urgent, un mail fondamental ou un coup de téléphone. Et qui, dès qu’il finit son discours, twitte pour voir l’écho de son discours… ashtag Jésus ? En termes digitaux, Jésus serait-il un « influenceur » ?
Bon, revenons au texte biblique, écrit péniblement sur des parchemins, des manuscrits uniques sans scan ni format word ou pdf. Voilà que ces deux textes font, comme d’autres, faire l’éloge de l’Attente : attente de la libération de l’Exil et attente de retrouvaille avec l’homme aimé…
L’Église a choisi de conserver ce « temps liturgique », celui de l’attente de l’Avent. Cela peut apparaître comme une comédie agaçante, puisque qu’on sait que Jésus va naître… Ou alors c’est juste l’attente d’un anniversaire symbolique. Au-delà, l’idée d’une révélation qui ne se fait pas dans la facilité triomphale d’un « « sauveur » au sens politique. Dieu n’est pas dans l’immédiateté, c’est le sens de l’esprit de la Bible. Il se révèle à nous au travers des médiateurs, à commencer par les auteurs. Prenons l’exemple du personnage de Moïse et du buisson ardent, oui mais au travers d’un auteur beaucoup plus tardif qui n’a jamais rencontré Moïse ! Il n’y a donc pas d’immédiateté de la révélation, pas plus qu’il n’y a d’immédiateté du texte. Nuée de témoins. Tout passe par la relation humaine. Et par la recherche et l’attente…
Le Cantique des cantiques est un magnifique livre d’amour : c’est une course où les deux se ratent, s’attendent, se cherchent, se trouvent, se perdent et recommencent un incessant jeu de cache-cache. On peut y voir nos relations humaines si souvent faites de cela. ! Mais cela évoque peut-être aussi la relation à Dieu. C’est comme une allégorie de cette relation de la foi qui n’est pas « plate », stable mais faite d’aléas de la vie où Dieu nous cherche, où nous le cherchons en se trouvant et en se ratant. De plus en plus rares sont les parcours de présence dans l’Église à 100% de la vie… Autrefois nous en avions plus « l’habitude ». Et c’était pour certains un lieu de vie… Mais comme pour l’amour, l’habitude tue la foi. Chaque Avent doit nous faire replonger dans cette recherche : où est-il ce Dieu dans lequel je prétends croire ? comment est-ce que j’en témoigne ? Quel rôle a-t-il dans ma vie ? De quoi Dieu est-il le nom pour moi ? À l’inverse de l’habitude, l’Avent est une perturbation ! Même si Noël est empli de référence traditionnelles…. Oui, mais pourquoi ? Précisément parce que cela réfère à notre enfance. Chaque année nous retrouvons cette part ! … Nous sommes faits de cette pâte-là : une alliance de recherche-découverte et de rite identitaire ! L’Avent et Noël c’est l’occasion de changer notre regard sur le monde, ne plus se contenter de la colère ou de qui est moche dans notre monde, mais regarder le monde comme un enfant qui ouvre son cadeau, regarder Dieu au travers des petites choses et des rencontres du quotidien. À chaque Avent, nous redevenons des petits enfants…
Savons-nous attendre Dieu ? Ésaïe nous ouvre cette voie (ou voix ?) : Dieu se laisse attendre, non par sadisme, mais comme aime le répéter encore le judaïsme d’aujourd’hui, il nous ouvre à l’étude. Qui le cherche le trouve, qui ne cherche rien ne trouve rien… Comment vivre cette recherche ?
- Scrutation biblique
- Compréhension du monde en se décentrant : sortir du moi, je
- Spiritualité (prière, méditation, silence, parenthèse, oasis.)
- Relation : est-ce que nous nous souvenons que les humains sont « à l’image de Dieu » ? Lorsque nous sommes dans le métro ou l’ascenseur, plus nous sommes proches, moins nous nous regardons… Il nous faut réhabiliter la relation réelle. La relation ne sera jamais digitale, ou bien l’être humain sera un robot sans âme
- Engagement : mais faisons attention au discours moral, limite culpabilisant, sur une forme d’obligation. Mais l’engagement est la réponse, libre, à une vocation commune (aimer) et singulière : quel est notre don ? relation, réflexion, gestion, influence,…
L’Avent c’est chercher Dieu, dans chaque instant de notre vie. Il est là ; Saurons-nous le trouver ? parfois dans un gros paquet bien emballée et décoré, entouré d’un bon repas, parfois dans la nudité d’un instant tout simple. Il est là il vous attend. C’est l’Avent de dieu pour vous. « L’homme ? une espérance pour Dieu ! »
Pasteur Jean-Marie de Bourqueney