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Prédication du 4 mai : « Cherchez et vous serez dérangés ! »
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par Jean-Marie de Bourqueney
Marc 8,27-35 ; Luc 24,13-32
On pourrait facilement se laisser aller à penser que tout se répète. Nous passons de saisons en saisons. On pourrait se laisser aller à penser que le temps répète les choses, qu’il est cyclique. C’est en partie vrai ! j’attends déjà la floraison de mes roses … Même si, évolution du climat oblige, les saisons ne sont plus tout à fait les mêmes…
Les peuples de la Bible vivaient, encore plus que nous, ces cycles de la vie, avec les risques de sécheresse sans possibilité de réserves… Oui mais, car il y a toujours un « mais », les auteurs bibliques, inspirés par cette intime présence de Dieu, ont toujours pensé que, même si les saisons reviennent, l’histoire évolue pas à pas. La répétition n’est qu’une forme apparente. L’histoire est « orientée ». Les deux récits mythologiques de création des origines (Genèse 1 et Genèse 2-3) parlent d’ailleurs moins du « comment » le monde a été créé, mais bien du « pourquoi ». Quelle est la finalité, le but, de la vie et du monde ? Cette notion de projet divin nous permet deux attitudes essentielles : l’humilité et la prise de recul. L’humilité consiste à penser que nous sommes faillibles, mais qu’au-delà de cela, Dieu accompagne nos existences vers un projet qui peut évoluer avec le temps. La prise de recul est de se dire qu’au-delà de la forme, notre histoire n’est pas qu’une infinie reproduction des saisons, des rites et des habitudes.
L’évangile vient perturber nos perceptions naturelles et rituelles, nos chemins prédestinés, programmés. Regardons ce récit d’Emmaüs. Deux hommes, deux hommes en deuil, deux hommes choqués par les événements qu’ils viennent de vivre. Ils y croyaient peut-être, et … tout est fini. C’est le deuil qui commence, celui d’un homme que l’on a perdu, mais aussi celui de leur espérance. Car cet homme, ils le croyaient, ils y croyaient. La route qui mène à Emmaüs est donc pour eux un chemin de deuil. Ils quittent Jérusalem car ils quittent la vie, leur vie ou plutôt ils essayent d’en construire une autre, peut-être moins belle, une vie de survie. Leur « travail de deuil » a commencé. Ils ne regardent plus en arrière, ils avancent, sans trop savoir vers quoi ni pourquoi. Oui, mais voilà, un événement va venir perturber ce cycle naturel du deuil : une rencontre, un homme qui se révèle à la fin comme étant le Christ. Et le texte précise que cela les perturbe, les dérange.
Les tableaux de Rembrandt illustrent bien cela : le visage du disciple est un mélange d’étonnement et de colère. Ils sont dans un clair-obscur, entre le sombre du deuil et la lumière de vie qui vient du Christ. En plus cet homme, le Christ, ne semble pas comprendre la raison de leur deuil, puisqu’il dit ignorer les événements de Jérusalem. Oui mais, il va, en leur parlant, réorienter le sens de ces événements. L’action de Dieu n’est pas ici d’être la cause des événements qui adviennent, mais de leur donner un sens, a posteriori en quelque sorte. Jésus va déranger leur deuil, leur programmation intérieure. Il va renouveler leur chemin. Emmaüs, chemin de deuil, va devenir un chemin de vie. D’ailleurs, le récit se conclut en disant que ces deux hommes reviennent ensuite à Jérusalem pour parler aux disciples, pour casser sans doute le processus de deuil. Ils reviennent à la vie.
Être dérangé : voilà la belle affaire ! Combien de fois dans nos vies avons-nous emprunté un chemin de deuil, de regret, en prenant le risque de nous y enfermer, de nous résigner ? C’est comme ça, alors tant pis ! On n’y peut rien ! Cela devait être écrit… Le fatalisme est une tentation facile. Et si le rôle de l’église était justement de nous déranger, de rompre la chaîne du fatalisme. C’est le programme que je vous propose pour cette année qui commence. « Laissons-nous être dérangés par les évènements et par les idées différentes ! ». C’est peut-être là que se situe la vie. Peut-être est-ce dans nos répétitions, nos rites, nos habitudes que se situe la mort, du moins la réduction de la vie à une simple reproduction, un copié-collé du jour d’avant. La surprise au programme !
Oui mais… Il faut sans doute y adjoindre un second point. Être dérangé, oui mais pour quoi ? Le texte de Marc est parallèle avec ceux de Matthieu et de Luc. Matthieu y ajoute le fameux verset « tu es Pierre et sur cette pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Mais les trois récits procèdent en deux temps :
La foi c’est donc accepter de se faire déranger pour entreprendre et toujours réentreprendre une recherche personnelle d’interprétation. Qui, chacun-e de nous, disons-nous que le Christ est ? Il n’y a donc pas une Vérité. Comme chrétien, nous croyons que la Vérité est incarnée dans une personne, Jésus. Nous ne pouvons donc pas « détenir » la Vérité mais en être les partenaires, les interprètes.
Notre Église se renouvelle ! Nous sommes sur un chemin de vie, en recherche et en rencontres. Dans un monde où tout le monde est « contre » quelque chose ou quelqu’un, rappelons-nous : nous sommes appelés à être « pour », pour l’essentiel : l’humain, chaque être humain.
Jésus se faite reconnaître à la fraction du pain. Nous pouvons débattre à l’infini entre nos Église sur les sens de la célébration de la Cène ou de l’Eucharistie. Mais revenons au geste simple de la fraction du pain, concret, réel. Le Christ se situe dans les interstices de nos fractions de pain quotidiennes, lorsque nous partageons en humanité.
L’Église est bien vivante ! Elle avance ! Elle emprunte le chemin d’Emmaüs, encore et toujours.
Jean-Marie de Bourqueney
Vidéo sur YouTube : La prédication en 3 min : Marc 8,27-35 ; Luc 24,13-32 – « Cherchez et vous serez dérangés ! »