- Accueil
- Actualités
- prédication
- Prédication du 11 mai : « Écouter le monde «
Prédication du 11 mai : « Écouter le monde «
Partage
par Jean-Marie de Bourqueney
Ézéchiel 47,1-12 ; Marc 7.31-37
Il est difficile de prêcher sur une guérison car chacun ira de ses propres interprétations : récit historique ou texte symbolique ? toutes ces lectures sont légitimes, en fonction de nos propres convictions, mais toutes insistent sur le pouvoir de transformation du Christ, le pouvoir de recréation.
Dans la société du temps de Jésus, la personne en situation de handicap était en quelque sorte cloîtrée dans son handicap, et, le plus souvent condamnée à mendier. Sa vie sociale était infiniment réduite. Nous avons fait des progrès aujourd’hui par rapport à cet enfermement social. Mais voilà la situation de départ. Nous allons passer de cet enfermement à une libération, comme une résurrection.
Sa première libération est celle de découvrir une liberté, celle de décider de sa vie et ne plus se laisser aller à une fatalité. Rôle essentiel du Christ, de l’Évangile : refus de la fatalité, de l’emprisonnement de nos existences dans des trajectoires rectilignes, sans aventure, décision ni liberté. Oui l’Évangile est une libération car il crée les conditions de la liberté. Il ouvre les portes en nous faisant retrouver la vue et rouvrir nos oreilles.
Mais ici ce récit s’inscrit aussi dans une tradition issue de l’Ancien Testament, et notamment de la tradition prophétique, celle d’Ezéchiel, dans le contexte de l’Exil et la montée en puissance du roi Cyrus, qui, avant Jésus, sera appelé le Messie, c’est-à-dire en grec le Christ. Au travers de lui, Dieu rouvrira les yeux des aveugles et permettra aux sourds-muets de retrouver leur sens et, du coup, leur relation aux autres. Le chapitre 47, au travers de la symbolique de l’eau, valorise ce surgissement de la vie… Là encore il est question d’une libération, celle de la fin de l’Exil. Mais au-delà de l’événement historique, contextuel, la symbolique de libération retentit encore dans le judaïsme d’aujourd’hui. La fin de l’Exil est perçue comme un pardon. Le peule a fauté, précisément parce qu’il était devenu sourd aux paroles de Dieu. Il en a payé le prix et désormais il va pouvoir retrouver l’usage de ses oreilles et se mettre à l’écoute de Dieu. C’est donc une symbolique éternelle, valable pour nous encore aujourd’hui. Aujourd’hui, nous sommes sourds et même aveugles, enfermés dans nos préjugés : non, les Américains ne sont pas tous réactionnaires ; non, les Ukrainiens ne sont pas nazis ; non, les Russes ne sont pas tous les esclaves d’un tyran ; non, les Palestiniens ne sont pas tous des terroristes ; non, les juifs, traumatisés par le terrorisme du 7 octobre, ne sont pas tous des soutiens à la politique meurtrière du gouvernement d’Israël. Nos racismes nombreux sont le signe de notre faiblesse, de notre surdité au monde.
La guérison du sourd-muet est donc le symbole de ce pouvoir de transformation de Dieu, ce dynamisme créateur ou re-créateur qui permet de ne jamais se résigner. La foi est sans doute d’abord une découverte : celle de voir que nos vies ne sont pas sans aspérité mais que nos vies peuvent être au bénéfice de cette re-création permanente. Bien sûr, il n’y a aucune naïveté : la souffrance et la maladie existeront encore et le sourd-muet de l’Évangile est mort depuis longtemps de sa belle mort, ou même d’une autre maladie… Mais au travers de lui, nous sommes invités à saisir l’événement, de ne pas être un fétu de paille agité simplement par le vent ou un morceau de bois qui flotte sur les océans au gré des courants et des vagues…
Mais alors vers quoi allons-nous ? l’Évangile ne raconte pas la suite de l’histoire de cet homme, juste sa transformation. Mais, précisément, l’Évangile n’est pas un guide précis de vie qui nous indiquerait ce que nous aurions à faire ou à dire à chaque instant. L’Évangile nous transforme, mais c’est à chacun de nous d’inventer nos existences, avec nos moyens, nos réussites et nos failles. Il y a juste une invitation à ouvrir nos oreilles et ouvrir nos yeux sur notre monde, sur notre vie.
Quelques exemples :
À nous de suivre son chemin !
Jean-Marie de Bourqueney
Vidéo sur YouTube :
Ézéchiel 47,1-12 ; Marc 7.31-37 « Écouter le monde » 11 mai 2025