Prédication « L’Estive » 5 : le repos ou l’estive de soi

par Jean-Marie de Bourqueney

Estive 5 : le repos

« Estives » 2025 : la nature, un besoin spirituel !

Cet été, nous vous proposons, à la place des habituelles prédications du dimanche, des méditations bibliques, sous la forme d’une « estive biblique », comme un troupeau qui sort de l’étable pour rejoindre les « verts pâturages » (Psaume 23). Il s’agit de prendre le temps de se décaler et, pour cette année, de réfléchir à notre rapport à la nature et à nous-mêmes, comme une occasion spirituelle.  

 

Étape 5 : le repos ou l’estive de soi

Pour cette ultime étape de l’estive, nous essayons de comprendre la notion de « repos », trop souvent associé à la mort comme « repos éternel » et lié à un « mérite » (des vacances « méritées »). Or, le repos peut être une grâce dans la vie.

 

Hébreux 4,8-11

En effet, si Josué avait conduit le peuple dans ce repos, Dieu n’aurait pas parlé plus tard d’un autre jour. Ainsi, un repos semblable à celui du septième jour reste offert au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos préparé par Dieu se repose de son travail, comme Dieu s’est reposé du sien. Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos, pour que personne ne tombe de la même manière, en suivant l’exemple de ceux qui ont désobéi.

 

La mort, un repos éternel ?

C’est l’image la plus fréquente que l’on se fait de la mort : elle est un repos éternel. L’inscription ou la phrase « Repose en en paix » (ou RIP selon l’acronyme anglais) se voit dans tous les cimetières, et circule sur tous les réseaux lorsqu’une personne publique décède… Cela pose une vraie question : de quoi la mort est-elle le repos ? L’existence ne serait-elle qu’une longue fatigue qui nous ferait « mériter le repos » ? Dans l’épitre aux Hébreux, qui a une théologie spécifique et bien différente des lettres de Paul, il est question effectivement d’un repos « mérité », résultat d’un « travail ». C’est vrai, mais l’auteur parle-t-il de la mort ? Rien n’est moins sûr… Mais, dans l’imagerie générale, le salut est au-delà, dans notre après-mort. Nous serons dans les délices de la présence de Dieu, loin de nos existences de souffrance. Cette pensée populaire s’est construite progressivement, avec une forme de syncrétisme avec les autres cultures ou religions de l’Antiquité, où l’on évoque même la notion de Paradis ou d’Enfer (notions qui ne sont pas bibliques, il faut le rappeler), en fonction des actes durant nos existences terrestres. Et cela demeure dans l’inconscient collectif contemporain.

Prenons un autre angle, car les auteurs bibliques, même celui de l’épître aux Hébreux, ne pensent pas à partir de concepts autres que ceux de la culture hébraïque, même si celle-ci s’est déjà largement hellénisée ou a été influencée par d’autres cultures. A fortiori, ils ne pensent pas à partir de philosophies qui leur sont postérieurs, comme celles de Plotin (IIIe siècle) ou de St Augustin (IVe et Ve siècle). Le Nouveau Testament nous parle d’un repos et d’un salut au présent. On, peut d’ores et déjà, « entrer dans ce repos ». Voilà qui change toute la perspective sur la foi et sur la religion. Croire en Dieu, ce n’est pas uniquement croire « qu’il y a quelque chose après la mort », c’est croire en aujourd’hui ! Être croyant c’est croire qu’au cœur de notre vie, aujourd’hui comme demain, et comme « après », un repos est possible, c’est-à-dire un ressourcement.

En même temps, on peut comprendre, dans certaines circonstances, cette idée de repos, notamment après des fins de vie douloureuses et tragiques. Quelqu’un qui souffre retrouve parfois l’apaisement du visage après sa mort. Toute souffrance a pris fin. Comme le dit le récit de la tempête apaisée, « il se fit un grand calme » (Luc 8). Parfois même, la mort est perçue par les survivants comme une forme de soulagement, tant les souffrances étaient devenues insupportables. Le débat sur la fin de vie, quelles que soient les solutions (soins palliatifs, sédation, euthanasie, suicide assisté, etc…) ne porte que là-dessus : comment parvenir au repos ? Il faut entendre et comprendre cette question. Ces débats sont essentiels pour notre société.

On peut encore ajouter que si la mort est toujours un choc absolu, les cimetières peuvent être, paradoxalement, des lieux de repos, d’apaisement. L’effort réalisé par nos sociétés pour entretenir ou les améliorer n’est pas négligeable. Certes les protestants ont très peu le sens de la visite au cimetière. En effet, pour, eux, la mort est une séparation radicale et une confiance absolue dans l’accueil inconditionnel par Dieu. Il n’existe donc pas de prière « avec » ou « pour » les morts… Dans certaines régions de France, au XVIe siècle, les pasteurs n’avaient pas le droit de faire des enterrements, au nom du verset « Laisse les morts enterrer leurs morts » (Matthieu 8,22). Ce fut surtout une opposition par rapport à la pratique catholique, à ses rites autour de la mort. Ce fut aussi une manière de réaffirmer la primauté de la vie. En effet, le Royaume est niché au cœur de nos existences, dans notre état de repos qui nous donne de l’énergie, celle de la vie. Ici et maintenant. Au fond, on peut se poser la question de savoir si le « salut » n’est pas simplement le « repos » aujourd’hui, dans notre vie. Se poser, et se re-poser. Se re-trouver dans une estive de soi et une estime de soi.

Une anecdote, pour terminer : un ami rabbin, avec qui nous discutions du shabbat, et donc du repos, me proposa une interprétation du commandement sur shabbat. Il est écrit dans nos traductions classiques (Exode 20, 9) : « Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. ». Un commentaire rabbinique propose « tu feras comme si tu avais fait tout ton ouvrage ». Or, c’est vrai, nous ne faisons jamais tout ce que devrions faire ou ce que nous aurions pu faire… Mais loin de nous culpabiliser de cela, le repos est aussi l’occasion de nous alléger de nos valises de regrets ou de culpabilités. Le repos nous allège…

Jean-Marie de Bourqueney

 

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Vidéo « Estive »  sur YouTube : https://youtu.be/F_F6hcqBOyE

 

 

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